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Le 8 mars : journée internationale des droits des femmes

En cette journée internationale qui promeut la défense des droits des femmes, nous souhaitons mettre un petit coup de projecteur sur ce que le vécu du tabagisme a de spécifique pour les femmes et les questions que cela soulève. Même si elles sont moins nombreuses que les hommes, on estime que 16% de femmes fument au quotidien (source Ipsos – Fondation contre le cancer). Le tabagisme au féminin est donc bel et bien une réalité !

Instrumentalisation de la femme et du féminisme par l’industrie du tabac

Selon l’OMS, pour l’industrie du tabac, la promotion du tabagisme auprès des femmes était considérée comme la plus grande opportunité de marketing d’un produit dans le monde.

Dans un contexte de changements socio-économiques, de l’industrialisation des produits du tabac et grâce à un marketing intensif et judicieux, les cigarettiers ont réussi, au début du 20e siècle, à transformer les stéréotypes d’avant-guerre d’un tabagisme féminin mal accepté en une pratique répandue et socialement valorisée. Dès les années 20-30, l’industrie du tabac s’est par exemple appuyée sur l’émancipation des femmes pendant la première vague féministe pour cibler ses messages, elle a même financé des programmes de prévention de la violence conjugale !

Un des premiers grands modèles féminins de cigarettes aux Etats-Unis a été la «Virginia Slims». De petit diamètre, promouvant l’image de la minceur, cette cigarette fut rapidement associée au féminisme des années 70 avec le message « You’ve come a long way, Baby ! » Dès 1980, Philip Morris changera de stratégie et multipliera les marques dites «légères» destinées à répondre aux préoccupations sanitaires des femmes. Ensuite, le développement de la «Virginia Slims Kings», une nouvelle cigarette au goût féminin mais d’apparence masculine sera destinée à correspondre avec l’ascension sociale des femmes et leur nouvelle confiance en soi.

Aujourd’hui, après la publicité et le cinéma, l’industrie du tabac se sert des influenceu.r.ses sur les réseaux sociaux pour promouvoir ses produits auprès de la clientèle féminine.

Stigmatisation du tabagisme au féminin

On sait que la société et les lois qui la régissent ont beaucoup évolué ces dernières années et qu’il est par exemple interdit de fumer dans certains lieux publics mais aussi dans sa propre voiture en présence d’enfants mineurs. Les possibilités de “griller sa clope” tranquillement se font donc plus rares. 

Comment les femmes sont-elles impactées par ces nouvelles réalités sachant que l’espace public, la rue, n’est pas aussi sécure pour les femmes que pour les hommes ? Qu’il est plus compliqué, voire carrément impossible, de se sentir en sécurité lorsqu’on est une femme dans la rue et d’autant plus dès la tombée de la nuit ? 

On le sait les remarques, sifflements, regards insistants, voire gestes déplacés et autres manœuvres sexistes sont courants et empêchent les femmes et les filles de se sentir libres d’occuper l’espace public comme le font les hommes. Quand on ajoute à cela le jugement négatif lié à la consommation de tabac ou autres substances chez les femmes, on peut rapidement comprendre que fumer librement en rue puisse devenir mission impossible pour elles. Or les femmes doivent se réapproprier l’espace public et ne pas rester confinées à la maison. Ne nous trompons pas de débat !

Non seulement, les femmes ont tendance à être exposées au sexisme de rue mais aussi à un regard moralisateur et stigmatisant sur le fait d’être fumeuses. Et ces jugements négatifs ne s’arrêtent pas à la porte de leur maison. En effet, les femmes qui fument sont aussi soumises au regard désapprobateur de leur conjoint ou de leur famille et d’autant plus si elles sont enceintes, ce qui les poussent parfois à fumer en cachette… Enfin, il faut souligner la forte stigmatisation qui pèse encore sur les consommations féminines par les professionnels de la santé. Ceux-ci ont encore tendance à résumer les femmes à leur maternité (même potentielle), développant un discours davantage moralisateur à leur égard pour ce qui est de la consommation de drogues, et notamment de tabac, ce qui ne met pas les femmes dans un esprit de confiance quand il s’agit de remettre en question leurs consommations et de demander de l’aide en ce sens.

Il semble donc évident que les pressions subies par les femmes dans les différentes sphères de la société impactent également leur santé et leur rapport au tabagisme. Il y a encore du chemin à parcourir pour faire évoluer nos représentations et poursuivre la prévention du tabagisme sans tomber dans le piège de la stigmatisation ou de la culpabilisation des fumeuses.

Femmes et tabagisme : spécificités épidémiologiques et cliniques, G. de Torrenté de la Jara C. Willi J. Cornuz A. Closuit, in Rev Med Suisse 2006; volume 2. 31498, https://www.revmed.ch/RMS/2006/RMS-72/31498

Faut-il faire une prévention du tabagisme différenciée selon le genre ? Rencontres de santé publique, France, Paris, Mardi 29 mai 2018, Pierre Arwidson et Laetitia Haroutunian, in www.rencontressantepubliquefrance.fr/wpcontent/uploads/2018/06/ARWIDSON.pdf

« Sexe, genre et tabac », Femmes et Santé, 2020.

« Femmes, genre et promotion de la santé : origine et perspectives du réseau », par Manoë Jacquet, Femmes et Santé asbl, Plateforme pour Promouvoir la Santé des Femmes, in educationsante.be/media/filer_public/92/66/926660ce-4783-4c63-ae96-e66011373e78/es_351_br.pdf, p.12-16

« Sexe, genre et tabac », Femmes et Santé, 2020.

« La santé des femmes, différente ? », Santé conjuguée, octobre 2007, Dr Axel Hoffman

« La question des troubles psychiques liés à la ménopause », Daniel Delanoë, in Femmes et hommes dans le champ de la santé, ouvrage collectif, Collections Recherche, Santé, Social, Éditions ENSP Rennes 2001.

« Femmes et hommes face à la mort et à la maladie, des différences paradoxales », Pierre Aïach, in Femmes et hommes dans le champ de la santé, ouvrage collectif, Collections Recherche, Santé, Social, Éditions ENSP Rennes 2001.

On ne soigne pas les femmes comme les hommes, Carole et Daniel Sereni, Éditions Odile Jacob, Paris 2002.

« Les « jeunes » et les « drogues » : la nécessaire approche relationnelle du genre » N°85 – Jeunes, genres et usages de drogues (II). Actes de la journée du 4 décembre 2018., avril 2019, par Pezeril Charlotte. In https://prospective-jeunesse.be/revues/jeunes-genres-et-usages-de-drogues-ii/2216-2/

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